La mer est encore teintée d’ocre, tellement marron qu’on a l’impression qu’il n’existe plus d’eau bleue. Mais si,on sait qu’on la trouvera plus au nord. Lorsque la vase issue des grands fleuves d’Amazonie se sera complètement diluée dans les profondeurs de l’océan.
Hier le 17 février à 7h 30 on s’est arraché à cette Guyane ou on a passé plus de quatre ans.
Entre fleuves et forets, baignés de musique zouk, de traditions Créoles, de vieilles légendes d’esclaves et de bagnards,le temps a vraiment vite passé. Quel pays extraordinaire ou encore tant de choses restent à découvrir. La vie est concentrée surtout autour de quatre villes :St Laurent du Maroni,la passerelle pour le Surinam,Kourou la ville de l’Espace,Cayenne la Capitale et St Georges la ville frontière avec le Brésil. Il faut rajouter les villes de l’intérieur qui sont de véritables îles perdues dans cette foret immense. De cette foret Francisco de Orellana, conquistadore espagnol du 16eme siècle rapporta l’histoire des indiens Chibcha qui racontaient qu’une fois par an leur chef recouvert d’or allait se baigner dans l’eau d’un lac pendant que les habitants y projetaient des objets en or. Cette contrée était située selon la légende entre l’Orénoque et l’Amazone et a donné lieu à de nombreuses expéditions qui renforcèrent le mythe de l’El Dorado (le Doré) et par déformation le nom d’Eldorado fut donné à cet endroit si convoité.Il est vrai que l’Or est bien présent. Depuis les conquistadores d’énormes quantités en ont été prélevées,et aujourd’hui encore se côtoient les campements d’orpailleurs clandestins et officiels,et les indiens de l’intérieur. Tout ça ne faisant pas forcément bon ménage il arrive souvent qu’on découvre en aval des fleuves,des cadavres de personnes mortes d’une manière pas très naturelle,avec pour tout métal un peu de plomb sur eux ou pas de métal du tout ,ici le coupe coupe est le canif du pauvre !Mais en général les crocodiles font assez bien le ménage.
Ces villages qui ont pour nom Maripasoula, Papaichton, Saul…sont les seuls endroits de rencontres dans cette immensité, ou l’on peu se ravitailler,se soigner,ou rejoindre la civilisation par avion ou par pirogue .
Lorsqu’on a la chance d’y aller c’est souvent l’expédition. En 4x4 sur des pistes de latérite complètement défoncées ou des heures de pirogues chargées au maximum,quelquefois l’avion lorsqu’il y a une piste pour nous recevoir. La vie a alors un parfum d’aventure et on en prend plein les yeux tellement ce qui nous entoure est inhabituel.
La nuit est particulièrement fascinante. Le ciel d’une limpidité extraordinaire est littéralement saupoudré de diamants. Le son lancinant des insectes crée un fond sonore ininterrompu auquel s’ajoutent les cris et les appels de toute sorte d’animaux.
Il m’arrivait souvent d’arrêter la voiture lorsque je revenais de St Laurent ou de Kourou ,sur le bas-côté et de rester là de longs moments à écouter et regarder. Comme un soir de septembre pendant un déplacement d’une semaine à Maripasoula, la ville des chercheurs d’or. On était venu ici avec mon copain Patrick pour travailler sur les sites des télécoms, du dispensaire et de la gendarmerie. Voir la foret depuis l’avion avait déjà été un beau spectacle. Apres la journée on avait droit pour dormir au container des télécoms à l’intérieur duquel étaient rassemblées les armoires électroniques des transmissions. Avant de faire nos lits il fallait faire une inspection en règle pour déloger toutes les bestioles qui y dormaient d’habitude : araignées, lézards de toutes sortes, chauves souris. On n’a pas trouvé de serpents…ou alors ils étaient plus malins que nous !
Un soir je suis monté à l’antenne, et bien assis à une vingtaine de mètres, j’ai contemplé la foret. Des éclairs de chaleurs donnaient des coups de flash de temps à autres. Les bruits,les couleurs,le ciel…magique !C’est un vrai spectacle de sons et lumières, on ne s’en lasse pas et il m’a fallut longtemps pour redescendre de mon perchoir.
Dans ces endroits là on se sent loin de la connerie des hommes et pourtant…c’est à la radio du dispensaire que j’ai entendu… un certain 11 septembre…
Une autre expédition avait aussi été excitante…autant qu’éprouvante. En camion jusqu’à Regina puis le bac sur le fleuve, 4x4 sur la piste pour rejoindre St Georges. Plusieurs heures avec de fréquents arrêts pour passer des guets,enlever des tronc d’arbres,abrités tant bien que mal sous une mauvaise bâche des nombreuses ondées tropicales,et enfin arrivée aux berge de l’Oyapoc. Repos dans le seul hôtel restaurant du coin. On aurait pu nous faire dormir sur de la paille en nous faisant croire que c’était le Georges cinq tellement on était crevé !Le lendemain
Direction Ouanari par le fleuve. Il a fallut d’abord trouver la pirogue et l’homme qui va avec,ensuite charger tout l’équipement et l’outillage plus les bidons d’essence et c’est parti
pour plusieurs heures de navigation sur le fleuve. Là aussi on se croirais dans un film documentaire. Chaque banc de sable abrite des milliers d’animaux. Toutes sorte d’oiseaux peuplent cette région et en particulier des colonies de flamants roses .Arrivé à Ouanari on débarque le matériel et on cherche des porteurs. Il nous faut encore rejoindre le sommet du massif qui domine le village :l’antenne est là-haut !Quelques heures de marche et on est enfin arrivé. Le travail sur les machines ressemble alors à des vacances,et les deux jours passés à dominer l’embouchure du fleuve sont vraiment hors du temps. Retour à St Georges sans oublier une petite escapade du coté Brésilien, passage obligé de tout les baroudeurs de Guyane !
Cacao la visite obligatoire de ceux qui venaient nous voir. Habité presque exclusivement par des vietnamiens agriculteurs, ce village a pris une importance capitale pour le pays. On ne trouve sur les marchés de Cayenne pratiquement que des fruits et légumes de Cacao .Mais c’est aussi un village touristique pour son emplacement,ses fêtes traditionnelles et en particulier la fête du têt :le nouvel an des Mongs.
Il y a aussi le musée des insectes ou on trouve tout ou presque ce qui vit dans la foret. Le suprême cadeau : tenir dans sa main une magnifique et majestueuse Matoutou bien velue, celle-ci pas bêcheuse du tout monte le long du bras et si on s’affole pas redescend tranquillement dans la main , enfin si elle a pas envi d’aller plutôt dans le cou !Tout ça n’aurait rien de particulier si la bestiole en question ne faisait pas moins de dix à quinze centimètres de diamètre, mais il n’y a jamais eu de mort à cause des Matoutous !Dans ce musée on y voit aussi les plus gros scarabées et papillons du monde.
La Guyane est bien un pays de contraste. A coté de cette nature pratiquement inviolée depuis la nuit des temps il y a le site de Kourou d’où sont lancées les fusées Européennes. Les soirs de tir ressemblent à des fêtes de la musique. Tout le monde est dehors avec la télé allumée pour avoir le décompte. Et tout d’un coup une éclatante lumière embrase tout l’horizon et quelques secondes plus tard la flamme des moteurs qui grimpe au ciel. Elle bascule doucement vers l’Est et passe au-dessus de nous. On assiste alors au largage des boosters puis du premier et deuxième étage. Lorsque la flamme est devenue presque invisible le bruit du décollage nous parvient puis l’ascension et son passage au-dessus de nous. Tout ça est très rapide,au maximum une minute mais c’est une vision magnifique. J’espère qu’un jour des hommes s’envoleront de Kourou.
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