samedi 19 avril 2008

La croisée des chemins.

La route était agréable en ce matin de printemps. La température, haute pour la saison donnait déjà un avant goût de l’été. Les touristes n’étaient pas encore la pour encombrer les petites routes de l’arrière pays.

Dolly avait enlevé ses chaussures et se faisait les ongles. Elle les peignait d’un rouge écarlate.

Elle avait mis Nostalgie et c’était Julien Clerc qui passait avec « Ma Préférence ».

Dolly,ce n’était pas son vrai nom mais on l’avait toujours appelée comme ça alors je continuais.

Apres tout, souvent les surnoms sont plus adaptés que le vrai nom et je trouvais que celui-ci lui allait bien.

Elle préférait plutôt faire les supermarchés et les boutiques de fringues mais c’était chacun son tour. J’avais donné déjà, la semaine dernière et la semaine d’avant. Et souvent elle allait faire du lèche vitrine avec sa sœur ou sa copine. Ma passion des vieilles pierres et de la photo se satisfaisait de quelques bonnes sorties. J’avais, après, tout le temps de classer et d’étudier.

Aujourd’hui j’avais décidé d’explorer quelques vieilles routes qui serpentent à travers le Lubéron. Dans ces lieux magnifiques mais ou l’histoire fut souvent tragique, il reste des ruines qui datent du haut moyen age, du temps des Cathare et de la révolte des albigeois.

C’était aussi une terre de refuge lors des grandes épidémies de peste ou de cholera qui venaient de bateaux qui arrivaient à Marseille depuis le bout du monde et qui ramenaient ces maladies horribles.

Bref aujourd’hui dans cette nature qui se chauffe au soleil, calme, couverte de pins et de chênes verts ces moments d’histoire peu a peu sont engloutis par les années et seules quelques ruines sont encore là pour témoigner.

Il y a déjà un bon moment que j’ai quitté la route principale et le chemin que j’ai emprunté qui devait autrefois être une route carrossable, se rétrécit de plus en plus. Les branches d’arbre frottent les cotés de la carrosserie. J’ai beau dire à Dolly d’apprécier la végétation ou un petit point de vue au détour du chemin, son regard noir me dit qu’elle préférerait être sur une bonne grosse nationale bien bituminée de noir !

C’est vrai qu’on va finir par être bloqué. Et même si ce n’est pas une voiture de luxe les branches ne vont sûrement pas la lustrer ! Il faut faire demi-tour mais pour le moment je ne peux pas.

Alors je continue doucement. Maintenant c’est carrément les branches d’arbres qui traversent le chemin et fouettent la voiture. Bon encore un peu et dés que je trouve un peu de place je demi- tourne. Chance ! Il y a juste là une sorte de chemin sur la droite. Tout petit certes mais il nous donne suffisamment de place pour tourner. En faisant la manœuvre je remarque que le sentier est très court et qu’il mène à quelque chose qui ressemble à une vieille maison sûrement en ruine.

Une fois la voiture dans le bon sens, je la bloque et décide d’aller voir de plus près ces vestiges. De toute façon on est venu jusque la autant y aller voir.
L’endroit est magnifique. Une très légère brise apporte des senteurs de résine et de thym

On est tellement à l’écart que les seuls bruits sont ceux des arbres et des oiseaux. Le chemin ressemble plutôt à un lit de torrent complètement défoncé et raviné par l’eau des orages. C’est presque difficile d’y marcher. Dolly remet ses chaussures. A voir ma mine elle me dit « te plains pas j’aurais aussi bien pu mettre mes hauts talons ! »C’est sur, en tout cas ses escarpins
vont vivrent leur derniers moments .

Le soleil est déjà haut et il commence à faire chaud, mais ce n’est pas encore la canicule.

C’était bien une maison mais contrairement à ce que je pensais elle n’est pas si abîmée que ça. Elle est complètement cachée par les arbres et les ronces mais on peut se frayer un chemin vers l’entrée. L’ouverture est assez basse et la porte a disparue.

Dolly suit difficilement et elle rouspète chaque fois qu’elle doit s’agripper ou qu’une branche la griffe mais elle suit ! Bon caractère quand même.

L’intérieur en contre bas est encombré de pierres et de morceaux de poutres. Une partie du toit a disparut. On voit qu’il y avait un plafond soutenu par des poutres qui donnaient un étage mais l’ensemble s’est écroulé et laisse un vide jusqu'à la toiture, de six ou sept mètres. La pièce ou on se trouve devait être partagée mais la aussi la cloison n’a pas résisté au temps. Il reste deux fenestrons dans le mur de façade, au travers desquels passent des branches d’arbres.
On reste un long moment à regarder ces vieilles pierres. Je prends quelques photos et on essaye d’imaginer ce que ce devait être avant. La vie des gens qui habitaient ici. Dehors ce devait être cultivé et il devait y avoir des abris pour des chevaux et des animaux de ferme.

En fouillant du regard chaque détail de la bâtisse je remarquais une sorte de placard dans un angle de la pièce.

C’est curieux parce que partout on voit la pierre à nue sans ciment d’aucune sorte et ce placard a le fond lisse, comme plâtré. Ce détail m’intrigue. Dolly se moque de moi. Pour elle il n’y a jamais de mystère, sinon on nous le dirait à la télé ! Elle me traite de rêveur. Et bien oui pourquoi pas, la quête du Graal, personne n’a jamais pu y écrire le mot Fin !

Elle me charrie gentiment mais finalement elle me donne raison. C’est comme si ce mur au fond du placard était beaucoup plus récent que le reste. On se regarde, je décide de sonder pour voir s’il n’y a rien derrière. Je prends une pierre et tape. On sent que ça sonne creux. Le son est différent au bord et au milieu. Il y a peut-être une autre pièce derrière. On plaisante, qui sait il y a peut-être un trésor ? En tout cas c’est sur je ne partirai pas sans savoir .J’avise donc un bloc adapté et je cogne au milieux. Apres quelques coups la cloison se craquelle et un morceau tombe de l’autre coté. En même temps on entend un bruit de verre brisé. Par le trou j’essai de voir quelque chose mais c’est trop sombre. Je l’agrandis, encore du bruit de choses qui tombent et qui se cassent. On pense que ce fond était en fait le fond de deux placards de part et d’autre, et que de l’autre coté il restait des étagères.

Dolly est excitée comme une puce, elle veut voir mais c’est encore trop noir et il y a la poussière qui opacifie encore plus. Finalement l’ouverture est assez grande pour se faufiler à l’intérieur. Le jour qui passe un peu mieux nous permet de voir le sol jonché de pots de verre, la plupart cassés, et de planches qui devaient être les étagères. Je commence à enjamber pour pénétrer à l’intérieur. Je sens dans son regard que Dolly est un peu inquiète. Je me moque gentiment et une fois à l’intérieur je l’aide à passer à son tour.
Apres un petit moment d’adaptation on arrive à distinguer l’endroit ou nous sommes. En fait ça ressemble plus à un couloir qu’à une pièce. D’ailleurs si on peu voir les murs de coté on ne voit pas celui du fond. Alors doucement et en faisant attention ou on met les pieds on suit le mur pour voir ou il finit. La lumière qui passait par le trou ne nous aide plus beaucoup et maintenant il fait vraiment sombre. Et là on se rend compte qu’au fond il y a une très légère lueur. On va donc vers elle prudemment, le couloir fait brusquement un angle à quatre vingt dix degré et on voit la clarté du jour .Le couloir aboutit à l’extérieur !On se regarde éberlués
On rigole du stress qu’on vient de s’offrir et c’est presque en courant qu’on va vers la sortie
Quand, tout d’un coup apparaît devant nous un homme qui hurle »Que faites vous là ?qui êtes vous ? »La Dolly est pétrifiée, je stoppe net, un arc électrique parcourt ma colonne vertébrale
Mon cerveau a du mal à caser l’événement !
L’homme nous enjoigne à le suivre. Nous arrivons dans une grande salle dont le plafond et ce qui semble être la façade sont translucides, une sorte d’immense véranda. A l’extérieur on peut voir un grand terrain gazonné parsemé d’arbres et de plantes en fleurs.

Une dizaine de personnes attablées devant nous, nous dévisagent. Deux ou trois se lèvent et commencent à poser des questions. On explique, on n’est pas des voleurs, on raconte comment on est venu, on savait pas.

Dolly pleure. Peu à peu notre bonne foi est acceptée plus ou moins. Celle qui semble être la maîtresse de maison nous offre même à boire et finalement le calme revient. On se sent un peu ridicule et on est pressé de prendre congé. Jamais je n’aurais imaginé qu’il y aurait cette maison dans ce coin la. On leur dit au revoir et ils nous raccompagnent dehors. Ouf !la prochaine fois on fera plus attention. Dolly relâche sa tension en m’accusant de tous les maux de la terre. Je prends tout de bonne grâce, après tout c’était bien de ma faute. Bon maintenant il faut retourner à la voiture. C’est dingue ça : il y a une heure on était dans le coin le plus sauvage et le plus abandonné qui soit, et là on est dans le jardin d’une superbe villa plein d’arbres et de fleurs, avec une petite route juste en face. Quelque chose cloche, il faut qu’on aille de l’autre coté de la maison. Le terrain qui l’entoure est entièrement recouvert de gazon, rien à voir avec l’endroit ou on a garé la voiture. Dolly pense que c’est plus loin mais c’est impossible, le couloir et la maison ne font pas plus de cinquante ou soixante mètres au maximum et on a fait le tour sur un cercle d’au moins trois cents mètres. Aucune trace de ce qu’on cherche. Pas de chemin pas de ruine pas de voiture.

L’adrénaline commence à m’envahir, sévère. Dolly ne gère plus depuis déjà un bon petit moment.

Une seule chose à faire, repartir par où on est venu. Il faut retourner chez ces gens.

De toute façon on n’a pas le choix. Et mon instinct me dit que ce n’est pas le moment de faire du tourisme.

Lorsqu’ils nous voient revenir, l’homme et la femme viennent vers nous. J’espère qu’ils ne nous empêcherons pas de passer. Mes propos sont confus, mes explications encore plus mais ma détermination a raison de leurs hésitations. Ils nous prennent pour des fous et nous laissent passer, perplexes.Les autres personnes toujours attablées nous regardent passer, hilares ou surpris comme s’ils regardaient un film.

On retrouve le couloir et en courant on arrive au trou. Je ne crois en rien mais je prie quand même pour qu’on revoie notre colline et notre ruine. Je fais passer Dolly et je m’engage derrière. Oui c’est bien notre ruine, je récupère mon sac d’appareil photo en me disant que c’est dommage que je ne l’avais pas sur moi et on fonce à la voiture. Elle est là ! Contact et on dégage de là.
Je n’économise pas les amortisseurs et après une dizaine de minutes on quitte le chemin pour une voie plus carrossable et on arrive enfin sur la route principale. La je m’arrête. Onn’avait plus dit un mot depuis qu’on avait repris la voiture. J’étais entrain de recoller les morceaux du puzzle, Dolly me dit » c’était quoi ça ? On était ou là ? » Alors connement je lui dis : dans un autre temps, une autre dimension, on a passé une porte et on a eu de la chance de pouvoir la retraverser. Elle me regarde et éclate de rire. Elle me prend pour un dingue.

En sachant bien quelle serait sa réponse je lui dit ; tu veux y retourner ? Son rire s’est glacé : ramènes moi a la maison !

Il faut dire qu’avec Dolly certaines conversations sont irrémédiablement impossibles.

Pour dédramatiser on est allé se boire une bonne bière et on s’est bien moqué de nous et de notre aventure. A la terrasse du café ça fait du bien de voir les voitures, les gens circuler…

Savoir où on est.

Je n’ai pas dormi cette nuit là. Le lendemain j’ai emmené Dolly chez sa sœur. Je ne lui avais rien dis mais elle savait ou j’allais. Elle m’a dit : à ce soir, et avec ses yeux : fait pas de bêtises T’inquiètes pas, pensais-je, je vais juste voir.

Retrouver la ruine ne fut pas difficile. Je m’en suis approché et quand je suis arrivé devant l’entrée mon sang s’est glacé : il n’y avait plus rien, seulement deux moignons de piliers de chaque coté de la porte. Pas de mur, pas de toiture, rien que des pierres et des ronces. La végétation qui était là au vu des troncs d’arbres et du tapis végétal devait avoir des centaines d’années. Pas l’ombre d’une trace de tout ce qu’on avait vu hier. J’en vins à douter. Etait-ce bien là ? Je retournais sur le chemin mais pas de doute c’était le bon endroit. Qui pourra m’expliquer ça ? Où, dans quel univers se trouvent la maison et les gens qu’on a vus hier ?

Je pris quelques photos de l’endroit tel qu’il est aujourd’hui. Celles que j’ai prises hier et celles que Dolly a prises pendant que je cassais le mur suffiront à nous prouver qu’on n’a pas rêvé.
Je me suis retourné souvent en allant à la voiture.

Dolly, tu va rire…

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